En ce mois d’octobre 2023, le projet de loi dit « plein-emploi » est en cours d’examen à l’Assemblée Nationale, après un passage au Sénat cet été. Cette loi concerne directement le Département dans la mesure où le RSA est au centre de cette volonté de réforme. L’objectif du gouvernement est ici d’atteindre le plein emploi en 2027 (autour de 5%) en ciblant ceux qui en sont le plus éloignés.
Les origines du RSA
– Dans les années 1980 on assiste au développement d’une «nouvelle pauvreté» qui touche les personnes âgées mais aussi celles en âge de travailler. Aussi, en 1988, le Gouvernement de M. ROCARD met en place le Revenu Minimum d’Insertion (R.M.I.) qui instaure le principe d’universalité de l’aide sociale. A l’origine l’objectif est donc bien la réduction de la pauvreté.
– 2004, le Gouvernement de JP RAFFARIN décentralise complètement le RMI au niveau des Départements, qui assurent désormais le financement du versement de l’allocation (par la CAF et la MSA) et le pilotage de l’insertion. Une nouvelle recette fiscale est attribuée: une fraction de la Taxe sur les Produits Pétroliers (TIPP) et un Fonds de Mobilisation Départementale pour l’Insertion (FMDI). Très vite est apparu un problème de reste à charge pour les Départements.
– 2009, création du Revenu de Solidarité Active, sous la présidence de N. SARKOZY.
– 2013, le Gouvernement de JM AYRAULT débloque de nouvelles recettes : récupération des frais de gestion sur le foncier bâti et possibilité d’augmentation des DMTO ainsi qu’un fonds d’urgence pour les Départements les plus en difficultés.
Chaque année, 9 350 remises à l’emploi par le Département du Pas-de-Calais
– 1 940 retours à l’emploi ou création d’entreprises accompagnés par la Mission Insertion par l’Emploi (postes cofinancés par l’Union Européenne).
– 1 160 en contrats aidés
– 1 000 en reprise d’activité dans les collèges : postes techniques créés par le Département après la suppression par le gouvernement des emplois aidés ; les personnes accompagnées sont employées par des associations d’insertion.
– 1 250 accès à l’emploi grâce aux clauses sociales dans les marchés publics.
– 4 000 en activité dans un parcours d’Insertion par l’Activité Economique. Tous bénéficient d’un contrat de travail (CDD d’Insertion) au sein d’Ateliers et Chantiers Ecole (second œuvre, espaces verts…), d’Associations Intermédiaires (service à la personne), d’Entreprises d’Insertion (biens et services marchands) ou d’Entreprises de Travail Temporaires d’Insertion.
Ce taux de remise à l’emploi, parmi les meilleurs de France, est certes dû à une conjoncture économique qui s’améliore mais aussi grâce aux mesures d’accompagnement individualisé du Département et ses partenaires. L’objectif étant de réussir à lever tous les freins qui empêchent l’emploi (problèmes administratifs, de transport, médicaux, logement, garde d’enfant, perte de repères…).
Les principales mesures du projet « plein-emploi »
– Transformer Pôle Emploi en France Travail pour mieux coordonner les acteurs. Une personne faisant une demande de RSA se retrouverait ainsi automatiquement inscrite à France travail (40 % des bénéficiaires inscrits actuellement).
– Un RSA conditionné à la signature d’un contrat d’engagement incluant 15h hebdomadaires d’activité (amendement du Groupe LR voté par la majorité – opposition de la Gauche et du RN). Les parents isolés « sans solution de garde » et les personnes en situation de handicap pourraient en être exemptées.
– Annonce « des moyens supplémentaires » pour l’accompagnement mais sans aucune garantie. Coût estimé : « entre 2 et 2,5 milliards d’euros en cumulé jusque 2027 ».
– Si un allocataire n’élabore pas de « contrat d’engagement réciproque » ou ne le respecte pas, le conseil départemental (ou France Travail si le département lui délègue cette compétence) pourra alors décider de suspendre le versement de son RSA.
Les problèmes posés par le projet de loi « plein-emploi »
– La stigmatisation des bénéficiaires du RSA. A force de parler d’assistanat et de vouloir rendre les personnes bénéficiaires responsables de leur situation (vision particulièrement libérale) on fait reculer le lien social. Or, le détournement du dispositif par une minorité ne doit pas remettre en cause son utilité sociale parce que personne n’est à l’abri d’un coup dur, après une difficulté d’un employeur, un accident, une maladie, un divorce. Les 9 350 emplois accompagnés dans le Pas-de-Calais démontrent d’ailleurs que le RSA est un tremplin pour rebondir.
– Ce n’est pas la suspension en tant que telle qui pose problème (plus de 7 700 suspensions sont prononcées chaque année dans le Pas-de-Calais dont 3 600 pour non-respect du contrat d’engagement) c’est son caractère quasi automatique prononcé par France Travail. Aujourdhui, quand il y a une radiation, une équipe pluridisciplinaire formule un avis. Or, le projet de loi ne prévoit plus qu’elle soit consultée. Le gouvernement a d’ailleurs refusé de fournir la moindre étude pouvant évaluer les conséquences d’une suspension de RSA. Or, grâce à l’intervention du député socialiste Jérôme GUEDJ, la CNAF a indiqué que sur les 31 500 bénéficiaires du RSA sanctionnés en juin 2022, 24% ont ensuite été exclues ou radiées des foyers allocataires et ne touchaient plus aucune prestation. Le risque est donc de rajouter de la misère à la misère.
Faudra-t-il bientôt mettre des contreparties à l’aide au logement ou à l’Allocation de Solidarité aux Personnes Agées… ?
Une expérience similaire a été menée en 2012 par la Grande-Bretagne (gouvernement conservateur de D. Cameron) avec « l’Universal Credit », fusionnant 6 allocations sociales et avec une conditionnalité renforcée dans l’objectif de remettre rapidement à l’emploi. Celle-ci a été un échec et a conduit à rayer de nombreuses personnes des aides sociales et à augmenter le nombre de SDF.
– Avec cette logique de droits et devoirs (RSA conditionné à 15h d’activité), le travail n’est plus pensé comme un instrument possible de redistribution du système productif mais comme une condition d’accès aux aides associées à la pauvreté.
En vidéo : les chantiers école, un tremplin pour les bénéficiaires du RSA
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