Mesdames et Messieurs,
Je dois tout d’abord vous présenter les excuses de notre Président Jean-Claude Leroy, retenu sur une autre manifestation.
C’est avec un immense honneur que je le représente en ma qualité de Vice-Présidente en charge de la Culture et des enjeux du Patrimoine, et j’en profite pour saluer mes collègues élues présent(e)s ce matin.
L’inauguration du jardin de la paix indien est le symbole d’une amitié forte et ancienne entre l’Inde et notre pays. Ce jardin rappelle également le lourd tribut payé par nos deux nations à la guerre. Conçu par l’agence indienne Newarch Landscapes LLP, Hues of Peace (Nuances de Paix) entend être un espace de mémoire et de sérénité. Il forme bien ce havre de paix que tous ceux qui ont vécu la guerre espéraient de leurs vœux, afin qu’elle soit « la Der des Ders ». Nous savons toutes et tous ce qu’il est advenu de cet espoir formulé par les anciens-combattants de la Grande Guerre.
Le jardin indien fait partie d’un ensemble de trois jardins de la Paix réalisés avec notre soutien par l’associationArt & jardins | Hauts-de-France. Les deux autres sont le jardin portugais à proximité du cimetière portugais, conçu par les paysagistes Ricardo Gomes et Samuel Alcobia et inauguré le 2 avril 2022 ; et le jardin britannique « No man’s land », près du Saint Vaast Post Military Cemetery, proposé par les architectes britanniques Lynda Harris et Nicholas Tomlan.
Tous les trois sont le fruit d’une très belle collaboration mémorielle, intense et riche. Cette dernière s’intègre parfaitement dans notre volonté de « construire la paix dans l’esprit des hommes et des femmes ».
Ces œuvres, pérennes mais constamment changeantes au fil des saisons, liées indissolublement aux nécropoles et cimetières auprès desquels elles ont été aménagées, offrent l’opportunité d’unir nature et mémoire dans la création artistique, mais aussi de constituer un nouveau chemin de mémoire, alliant entre elles toutes les nations autrefois combattantes.
Le conseil départemental du Pas-de-Calais a décidé d’accompagner financièrement la création de dix jardins de la Paix. Vous pourrez découvrir, sur chaque site, le fruit qu’une petite graine de tolérance et de fraternité a pu donner en germant, un jardin singulier, pensé et dessiné par des artistes venus du monde entier – comme les combattants, autrefois – ; permettez-moi de les féliciter collectivement.
En seulement cinquante et un mois, la Première Guerre mondiale a marqué à jamais le sol de notre département. Conflit « industriel » par excellence, il a frappé avec une ampleur inégalée civils et militaires de tous âges et de toutes nationalités, villes et villages, usines et commerces, champs et forêts. 167 de nos communes ont été anéanties et 57 touchées à plus de 50 % ; et plus de 3 % de ses habitants, c’est-à-dire 33 308 jeunes hommes, ont perdu la vie lors des combats. Mais un seul nombre suffit pour témoigner des souffrances vécues dans notre région, c’est celui des 580 000 noms de soldats morts dans le Nord et le Pas-de-Calais, inscrits sans distinction d’origine, à quelques kilomètres d’ici, sur l’Anneau de la Mémoire. Parmi eux figurent le nom de nombreux soldats indiens.
Confronté à cette empreinte permanente de la guerre, le Département du Pas-de-Calais se devait de prendre une part majeure dans les commémorations comme dans la valorisation de la mémoire de la Grande Guerre. Depuis, les élus ont tenu à rendre sensible à chacun d’entre nous ce qu’ont pu connaître et endurer ses habitants, à témoigner à hauteur d’homme du destin de ceux qui se sont croisés sur ses territoires. Les productions mémorielles, culturelles et touristiques, nées dès 2009 dans le cadre de projets européens et plus encore à partir de 2014, qu’elles soient conçues ou soutenues par le Département, en sont le résultat tangible. Aujourd’hui encore, nous poursuivons l’accompagnement de nombreux projets d’associations ou de collectivités, dans le cadre de notre politique volontariste mémorielle.
L’inscription au patrimoine mondial de l’Humanité des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale, en septembre 2023, constitue de même, non seulement l’aboutissement du travail accompli collectivement depuis 2011, mais aussi un enjeu mémoriel et touristique majeur pour nos territoires, qui ne peut que nous inciter à poursuivre notre engagement et à répondre pleinement à la confiance, comme aux recommandations, de l’Unesco. Le Président, Jean Claude Leroy rappelle fréquemment « son attachement particulier à transmettre à toutes et à tous, et en particulier à la jeunesse, les valeurs d’humanité et de fraternité, grâce à la connaissance de notre passé. Le travail de mémoire est en effet indispensable pour empêcher l’Histoire de bégayer ».
Monsieur le Maire, votre commune compte deux des quatorze sites du département du Pas-de-Calais inscrits au Patrimoine mondial, parmi les 139 composant ce bien réparti entre France et Belgique. En témoigne le dévoilement, le 12 avril dernier, à l’occasion du 107e anniversaire de la bataille de la Lys, d’une plaque au cimetière portugais par la Ministre déléguée aux anciens combattants.
Ces monuments aux morts, ces cimetières rappellent que notre territoire est connecté à l’Europe et au monde entier, hier au Portugal, aujourd’hui à l’Inde. Il faut imaginer qu’il y a plus d’un siècle, des hommes, parfois des femmes ont parcouru des milliers de kilomètres, ont franchi des continents, ont traversé des océans pour venir mourir dans les tranchées du Nord de la France.
J’aimerais, pour conclure, vous raconter Monsieur l’Ambassadeur, une anecdote. C’est l’histoire d’une amie indienne, dont la famille est originaire de Lucknow, et qui a noué des liens forts avec le Pas-de-Calais. Lors de l’une de ses visites, nous lui avons fait découvrir le cimetière indien de Neuville-sous-Montreuil, sans doute l’un des plus petits cimetières militaires de France. Il compte en effet « seulement » 30 tombes. A notre plus grande surprise, notre amie a éclaté en sanglots en découvrant sur le monument que les morts étaient originaires comme elle de Lucknow.
Etreints par l’émotion, nous nous sommes alors plus à imaginer un jumelage entre la petite commune du Montreuillois et ses 630 habitants et la capitale de l’Uttar Pradesh, gigantesque mégapole à la dimension de l’Inde, forte de ses près de 3 millions d’habitants.
Mesdames et Messieurs, en commémorant les tragédies du passé, nous avons la volonté de construire un monde futur plus juste et moins incertain que ne l’est notre présent. Nous sommes par ailleurs convaincus qu’en cultivant la relation d’amitié entre l’Inde et la France, nous contribuons à rendre ce futur plus désirable et plus sécurisant.
Je vous remercie.